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Introduction : L'épuisement professionnel est une pathologie de la relation d'aide qui concerne une part importante des soignants. Comme il existe un chevauchement des symptômes, il n'est pas surprenant que le syndrome de stress post-traumatique (TPST) soit associé à l'épuisement professionnel conduisant à une moins bonne prise en charge des patients. Tandis que l'empathie apparaît comme une qualité professionnelle favorable au développement de la relation thérapeutique. Les Schémas Précoces Inadaptés (SPI) sont connus comme étant des facteurs de vulnérabilité psychologique, comme le sont certains traits de personnalité. Aucune étude n'a comparé la prévalence de l'épuisement académique, du TPST, du score d'empathie, des SPI et des traits de personnalité chez les étudiants de filières en soin comparés à ceux des filières hors soin.
Objectif : Mettre en évidence une différence significative de l'épuisement académique, du TPST, du score d'empathie, des SPI et des traits de personnalités entre les étudiants de l'université de Poitiers en fonction des filières de soin et hors soin ainsi que d'identifier des facteurs de risques secondaires.
Matériels et méthodes : Une étude descriptive transversale a été réalisée du 26 février au 19 mars 2021. L'ensemble des 29 384 étudiants de l'Université de Poitiers a été invité à répondre à des auto-questionnaires en ligne via leur boite mail universitaire. Ces auto-questionnaires comprenaient le Young's Schema Questionnaire, 3ème version courte (YSQ-S3), le Big Five Inventory version Française (BFI-Fr), Maslach Burnout Inventory-Student Survey (MBI-SS), l'Index de Réactivité Interpersonnelle (IRI), le Life Event Checklist for DSM 5 (LEC-5), le Peritraumatic Distress Inventory (PDI), le Post Traumatic Stress Disorder Check List for DSM 5 (PCL-5) et le Post Traumatic Growth Inventory (PTGI).
Résultats : L'épuisement émotionnel et le cynisme sont significativement plus élevés chez les étudiants de filières hors soin, l'accomplissement académique est plus élevé chez les étudiants de filières de soin. La prévalence du TSPT était de 24%. Les étudiants issus de filières hors soin étaient plus touchés par le TSPT que les étudiants en santé. Les SPI les plus fréquents chez les étudiants de l'Université de Poitiers sont Abnégation, Négativité-pessimisme, Idéaux Exigeants, Surcontrôle émotionnel. Abnégation, Négativité-pessimisme, Surcontrôle émotionnel, Droits personnels exagérés, Peur du Danger et de la Maladie sont significativement plus fréquents chez les étudiants en Santé hors médecine que chez les étudiants en médecine. Les SPI du domaine « séparation et rejet » et les SPI Dépendance-incompétence, Peur du Danger et de la maladie, Négativité-pessimisme, Surcontrôle émotionnel, Contrôle de soi-Autodiscipline insuffisants sont significativement plus fréquents chez les étudiants en Droit, Sciences et Technologies, Sciences Humaines Lettre Langues et Art que chez les étudiants en Santé. La prise de perspective et la préoccupation empathique sont significativement plus élevées chez les étudiants soignants. La détresse personnelle est significativement plus basse chez les étudiants soignants. Les corrélations fortes entre traits de personnalité et empathie sont les mêmes chez les étudiants soignants et non soignants, à savoir l'Agréabilité avec la prise de perspective et la préoccupation empathique, et le Névrosisme avec l'empathie émotionnelle et la détresse personnelle.
Conclusion : Les SPI semblent influencer le choix de carrière professionnelle des étudiants et pourraient être un moteur quant à la réalisation d'études d'enseignement supérieur. Les étudiants soignants présentent une Empathie cognitive tandis que les étudiants non-soignants présentent plutôt une Empathie émotionnelle. Les étudiants avec un trait de personnalité ‘Névrocisme' seraient plus à risque d'épuisement académique et de trouble de stress post-traumatique. Les résultats de cette étude montrent une forte prévalence de l'épuisement académique et du TPST chez les étudiants universitaires de Poitiers, notamment les étudiants non soignants. Ils renforcent les inquiétudes sur leur santé mentale déjà identifiée comme inquiétante en France et soulignent l'urgence à prendre des mesures spécifiques.