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Introduction :
L'embolie pulmonaire est une pathologie fréquente avec un taux de mortalité non négligeable. Il est donc important d'en faire son diagnostic afin de mettre en place les thérapeutiques adaptées. Malheureusement, la présentation clinique de l'embolie pulmonaire est peu spécifique, rendant le diagnostic complexe. Pour limiter le recours à l'angioscanner qui en est l'imagerie de référence, des scores clinico-biologiques ont été étudiés afin d'interpréter les D-dimères (biomarqueurs de référence dans le diagnostic de l'embolie pulmonaire) en prenant en compte le contexte clinique du patient. Le but de notre étude est d'étudier l'évolution temporelle du recours à l'angioscanner, en pratique courante, sur le CHU de Poitiers, de 2015 à 2020.
Méthode :
Cette étude était une cohorte rétrospective, monocentrique, réalisée au CHU de Poitiers, du 1er janvier 2015 au 7 septembre 2020. La cohorte de cette étude s'inscrit dans une étude rétrospective multicentrique internationale nommée « TRY SPEED » réalisée dans 26 centres en France et en Europe. Tout patient adulte ayant bénéficié d'un angioscanner thoracique depuis les urgences, pour une suspicion d'embolie pulmonaire, durant la période d'inclusion (les sept premiers jours de chaque mois impair), était inclus. Le critère de jugement principal était le nombre d'angioscanners réalisés sur chaque période de recueil des données. Les objectifs secondaires étaient l'évaluation du rendement de l'angioscanner sur chaque période d'inclusion, de la taille scanographique des EP, de leur gravité ainsi que de leur lieu de prise en charge après le diagnostic.
Résultats :
213 patients ont été inclus. De 2015 à 2020, sur les périodes étudiées, aucune tendance à la réduction du nombre d'angioscanners réalisés en cas de suspicion d'embolie pulmonaire, n'a pu être mise en évidence (p=0,22). Sur le plan de l'évolution du rendement de l'angioscanner (défini par « nombre d'angioscanners diagnostiquant une EP / nombre d'angioscanners réalisés pour suspicion d'EP »), aucune tendance à l'augmentation de ce dernier n'a été mise en évidence avec un rendement moyen de 17% sur la période 2015-2020 (p=0,79).
Discussion :
Notre étude ne montre aucune tendance à la diminution du recours à l'angioscanner alors que certaines études interventionnelles telle que « the YEARS STUDY » ont montré une baisse significative du nombre de scanner réalisés en utilisant l'algorithme YEARS. La différence de résultats entre ces études interventionnelles menées et notre étude rétrospective s'explique très probablement par le manque d'adhésion et d'application des règles de décision clinico-biologique, en situation réelle, par les médecins urgentistes. L'intensification de la formation continue des praticiens exerçant aux urgences ainsi qu'une amélioration de la disponibilité des algorithmes d'aides à la décision clinique pourraient permettre une meilleure rationalisation du recours à l'angioscanner dans les suspicions d'embolie pulmonaire aux urgences.