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Introduction : Le carcinome basocellulaire (CBC) est le cancer le plus fréquent dans les pays occidentaux, en particulier en France, avec un risque élevé de récidive locale. Une mesure quantifiée des marges histologiques d’exérèse des CBC est une demande récurrente de la part des cliniciens. Cependant, il n’existe aucune recommandation ni consensus international mentionnant clairement l’intérêt d’une telle mesure. Afin de mieux connaître l’importance de cette pratique, nous avons réalisé une enquête sur la mesure histologique des marges dans les CBC auprès de pathologistes français.
Matériels et méthode : Une enquête de pratique a été élaborée sous forme d’un questionnaire. Il a été validé par 4 experts en dermatopathologie et a été réalisé sous une interface de type "Google Forms". Le lien vers l'enquête a été envoyé par courriel aux médecins spécialistes en anatomie pathologique ou en dermatopathologie, exerçant en France entre le 20 mars et le 20 mai 2018. Les résultats ont été comparés entre sous-groupes d'âge, selon le type de pratique (publique, privée ou mixte) et la spécialisation en dermatopathologie.
Résultats : Le questionnaire a été rempli par 225 praticiens. Les marges microscopiques étaient systématiquement mesurées dans 77,3% des cas, dans certains cas seulement dans 19,6% et jamais dans 3,1% des cas. La principale raison de cette mesure était de signaler des marges insuffisantes (66,5%), du fait d’habitudes de laboratoire (45%) ou à la demande des cliniciens (43,1%). Pour 72% des répondants, les critères cliniques ou histopathologiques n'influaient pas sur leur pratique. Plus en détail, 58,7% des pathologistes ont utilisé une mesure quantitative exacte dans leur compte-rendu, 3,7% ont utilisé une information qualitative telle que «marge proche» et 37,6% ont utilisé les deux approches. L'outil le plus utilisé était la règle graduée placée sous le microscope (44,3%). Les dermatopathologistes mesuraient de manière moins systématique tous les CBC ou ne les mesuraient pas, utilisaient davantage l’oculaire micrométrique et des informations qualitatives dans leur compte-rendu.
Conclusion : La mesure des marges histologiques des CBC est une pratique courante en France, bien qu’il n’y ait pas de recommandations à cela. Notre enquête a souligné que cela représente pour les pathologistes un moyen de préciser une marge insuffisante et la nécessité d’une reprise chirurgicale. Pour standardiser les pratiques et donc les conséquences pour la prise en charge des patients, une meilleure option pourrait être la détermination de seuils de marge basés sur des critères cliniques et histologiques, en dessous desquels les pathologistes utiliseraient le terme «R1» ou «exérèse complète avec marges insuffisantes», même si l'exérèse est complète, afin qu’un traitement complémentaire puisse être proposé au patients.