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Introduction : Selon les recommandations actuelles, le dépistage et le traitement de la colonisation urinaire sont recommandés avant une chirurgie urologique au contact des urines ou avec effraction de la muqueuse urothéliale. Malheureusement celles-ci ne permettent pas de stratifier le risque selon la situation. L'objectif de cette étude était de définir les facteurs de risque préopératoires, en lien avec la colonisation urinaire, d'infections postopératoires fébriles en chirurgie urologique.
Matériels et méthodes : L'étude TOCUS est une étude multicentrique, nationale et rétrospective incluant tous les patients opérés d'une chirurgie urologique nécessitant un dépistage de la colonisation urinaire entre janvier 2016 et janvier 2022. Les critères de non-inclusions étaient : les patients opérés en urgence, sans ECBU préopératoire ou en cas de chirurgie combinée. Le critère de jugement principal est la survenue d'une complication infectieuse (infection du site opératoire ou infection urinaire fébrile définie par la survenue de fièvre en postopératoire associée à un tableau clinico-radio-biologique évoquant une prostatite, une pyélonéphrite ou un urosepsis) survenant dans les 30 jours postopératoires. Les critères de jugement secondaires étaient la survenue d'autres complications non infectieuses ainsi que la survie à 30 jours. Cette étude a été enregistrée et validée par la CNIL numéro : 2211250V0 et par le Comité d'Éthique de la Recherche en urologie (CERU) de l'Association Française d'Urologie (AFU) sous le numéro CERU_2022009.
Résultats : Nous avons inclus 2389 patients dont notamment 484 résections transurétrales de vessie, 461 urétéro-rénoscopies souples, 264 résections transurétrales de prostate, 202 prostatectomies et 161 néphrectomies partielles. Parmi les patients inclus, 838 (35%) patients avaient un ECBU positif (mono, bi ou polymicrobien), dont 546 (65%) avaient un ECBU positif mono ou bi-microbien et 292 (35%) un ECBU polymicrobien. Au total, il y a eu 106 infections postopératoires soit 4,4% dont 44 ayant un ECBU négatif (41%), 42 ayant un ECBU positif mono ou bi-microbien (40%) et 20 ayant un ECBU polymicrobien (19%). En analyse univariée, l'antécédent d'infection dans l'année précédant le geste, le type de chirurgie, le résultat de l'ECBU, la leucocyturie, la prescription d'antibiothérapie de couverture périopératoire, l'antiseptique utilisé, la durée opératoire, ainsi que l'association à une complication non infectieuse étaient des facteurs associés aux infections postopératoires. En analyse multivariée, un antécédent d'infection urinaire au cours des 12 mois précédents (OR 4,02 ; IC 95, 2,34-6,88 ; p <0,001), l'ECBU préopératoire positif monomicrobien ou bimicrobien (OR 2,78 ; IC 95 ; 1,12-6,82 ; p 0,026), l'ECBU préopératoire polymicrobien (OR 2,51 ; IC 95 1,27-4,76 ; p 0,006), la durée opératoire (OR 1,01 ; IC 95 ; 1,00-1,01 ; p < 0,001) ainsi que l'association à une autre complication postopératoire non infectieuse (OR 7,13 ; IC 95 ; 4,47-11,37 ; p < 0,001) étaient des facteurs de risque indépendants d'infections postopératoires fébriles.
Conclusion : Cette vaste cohorte rétrospective multicentrique retrouve un taux global d'infections postopératoires fébriles en chirurgie urologique de 4,4 % et tend à démontrer que l'ECBU préopératoire polymicrobien avant chirurgie urologique est, au même titre qu'un ECBU préopératoire positif monomicrobien ou bimicrobien, un facteur de risque d'infection postopératoire. Par ailleurs, il existe de manière significative, une association très nette entre complications infectieuses et complications non infectieuses confirmant tout l'enjeu d'une stratégie préventive périopératoire adaptée. L'intérêt d'un traitement antibiotique périopératoire de couverture, en cas d'ECBU polymicrobien, n'est en revanche pas démontré et constitue une prochaine étape importante en vue d'essayer de diminuer le risque infectieux après chirurgie urologique.