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INTRODUCTION : La iatrogénie est un problème majeur de santé publique qui s'observe tout autant en soins hospitaliers qu'en soins ambulatoires. La personne âgée, de par les modifications physiologiques liées à l'âge, est plus fragile et donc plus à risque d'évènements indésirables associés aux soins. Cette iatrogénie du sujet âgé comporte un risque supplémentaire par rapport au sujet jeune : celui de la dépendance. La polymédication est habituelle et souvent légitime chez le sujet âgé. Mais elle nécessite une réflexion globale et centrée sur le patient pour limiter les conséquences éventuelles. De cette démarche de sécurisation des prescriptions au sein de la population gériatrique, plusieurs listes de médicaments avec des profils d'utilisation défavorable ont vu le jour : les médicaments potentiellement inappropriés. Dans l'optique d'optimiser et de sécuriser la prescription chez les personnes âgées, cette étude s'est attachée à évaluer si les médecins généralistes exerçant en Charente s'estimaient suffisamment informés sur le domaine des médicaments potentiellement inappropriés.
METHODE : Il s'agit d'une étude prospective observationnelle, réalisée à l'aide d'un auto-questionnaire entre le 24 août et le 4 octobre 2020. Elle s'adresse à l'ensemble des médecins généralistes inscrit à l'Ordre Des Médecins, exerçant en soins ambulatoires sur le territoire de la Charente.
RESULTATS : Sur les 220 médecins généralistes sollicités, 11,3% ont répondu au questionnaire. La note moyenne obtenue au questionnaire était de 33,96/50 correspondant à près de 70% d'items corrects. Toutefois, 92% des médecins généralistes interrogés s'estiment insuffisamment informés sur les médicaments potentiellement inappropriés aux personnes âgées et la totalité sont demandeurs d'une formation sur le sujet. Les deux principaux modes de formation retenus sont un logiciel d'aide à la prescription et une plaquette de soutien à la prescription. Il existe une différence significative entre les moyennes des médecins n'ayant pas de formation gériatrique et ceux en ayant une, respectivement 33,30 et 41,50 (p = 0,006). Les médicaments psychotropes sont identifiés dans 88 à 92% des cas et 96% des participants privilégient la prescription d'une benzodiazépine à demi-vie courte : l'Oxazépam. Les médicaments aux propriétés anticholinergiques sont identifiés dans 76 à 92% des cas, les MPI à visée gastro-intestinale sont repérés dans 72 à 96% des cas et ceux à visée cardiologique dans 48 à 88% des cas.
CONCLUSION : Les médecins généralistes exerçant en Charente s'estiment insuffisamment informés sur le domaine spécifique des médicaments potentiellement inappropriés aux personnes âgées. Ils sont aussi demandeurs d'une formation sur le sujet, ou tout du moins d'une aide à la prescription, sous forme de logiciel ou de plaquette. Le développement de ces outils pourrait être le fruit d'un travail ultérieur. Au vu des résultats de l'étude, le soutien de la formation gériatrique auprès des généralistes semble être une piste d'amélioration pour le futur, même si d'autres études doivent être réalisées en ce sens. Un autre élément, qui semble être une piste majeure d'amélioration, est le développement de la coordination entre les différents professionnels de santé. Cela s'exprime au travers du plan national Ma Santé 2022, mais aussi à l'échelon régional avec l'application PAACO-GLOBULE, puis à l'échelon local au travers des CPTS et enfin à l'échelon individuel avec les réunions de concertation pluridisciplinaire en maison de santé ou des commissions de coordination gériatrique en EHPAD. C'est au travers d'une médecine coordonnée, centrée sur le patient ainsi que sur la communication et la formation des différents intervenants, qu'ils soient en ville ou à l'hôpital, que l'art médical sera mis au mieux au service du patient.