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Introduction : le rétrécissement aortique dégénératif (RAC) est la plus fréquente des valvulopathies dans les pays occidentaux. Sa prévalence est en augmentation du fait du vieillissement de la population. Il s'agit d'une pathologie grave, associée à une importante morbi-mortalité avec un pronostic sombre en l'absence de remplacement valvulaire, lorsque des symptômes apparaissent ou que la fonction systolique est altérée. L'altération du strain ventriculaire gauche mesuré en échocardiographie, témoignant d'une altération infraclinique de la fonction systolique, est corrélée à une augmentation de la mortalité. Il n'existe pas à ce jour de données pronostiques en IRM. L'objectif de cette étude est donc d'étudier l'impact pronostique du strain myocardique par feature tracking en IRM chez des patients atteints d'un RAC et nécessitant une intervention.
Population et méthodes : entre le 12 décembre 2019 et le 16 juin 2021, 124 patients ayant un rétrécissement aortique serré ont été inclus dans le protocole AS-INTERVENTION au CHU de Poitiers. Parmi eux, 85 ont bénéficié d'une IRM cardiaque exploitable pour la réalisation du strain et forment la population de notre étude. Le strain ventriculaire gauche a été calculé dans ses 3 dimensions (longitudinal, circonférentiel et radial) grâce au logiciel de post-traitement Circle Cardiovascular Imaging. Le critère de jugement principal était la mortalité globale au cours du suivi après remplacement valvulaire, percutané ou chirurgical. Le critère de jugement secondaire était un composite comprenant décès, ré-hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou accident vasculaire cérébral ischémique.
Résultats : parmi les 85 patients inclus, le strain global circonférentiel moyen était de -16,8 ± 3,7%, le strain longitudinal global moyen était de -14,3 ± 3,5%, le strain global radial moyen en petit axe était de 28,1 ± 8,9% et le strain global radial moyen en long axe était de 23,2 ± 7,8%. Il y a eu 18 évènements dont 12 décès au cours du suivi, dont la durée médiane était de 975,7 (921,0-1030,4) jours. En analyse multivariée, le strain circonférentiel ressortait comme facteur indépendant de mortalité. Le seuil le plus discriminant en valeur absolue de strain circonférentiel était de 14,8%. La survie était significativement moindre chez les patients avec un strain < 14,8% par rapport à ceux avec un strain 14,8% (survie de 65,6 ± 10,8% versus 90,1 ± 4,3%, p = 0,002).
Conclusion : il s'agit de la première étude à mettre en évidence qu'une altération du strain circonférentiel mesuré par feature tracking en IRM est un facteur pronostic indépendant de mortalité. Ces nouvelles données sont en cohérences avec les données écho-cardiographiques. La mise en évidence d'une altération du strain, témoignant d'une altération infraclinique de fonction systolique et d'un risque de mortalité accru, pourrait faire discuter une intervention plus précoce chez les patients pauci-symptomatiques.