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Introduction : L'intérêt du monitorage des métabolites des thiopurines dans la prise en charge des patients atteints de Maladie de Crohn (MC) et de rectocolite hémorragique (RCH) est controversé. Le but de notre étude a été d'évaluer l'impact du dosage systématique des 6-thioguanosines (6-TGN) et des 6-méthylmercapto ribonucléotides (6-MMP), sur la prise en charge des malades traités par azathioprine ou 6-mercaptopurine, en comparaison à un groupe contrôle historique.
Matériel et Méthodes : A partir de Juin 2010, tous les patients traités par thiopurines (groupe d'étude) ont eu un dosage systématique des métabolites des thiopurines 8 semaines après l'introduction du traitement. Le groupe contrôle était composé de malades traités les 3 années précédentes sans autre modification de la prise en charge générale des RCH et MC et dont les modifications thérapeutiques étaient effectuées en fonction de l'efficacité et de la tolérance clinico-biologique. Les données suivantes ont été recueillies au début du traitement, à 2 et à 6 mois : activité de la maladie, tolérance clinique et biologique (lymphocytes, volume globulaire moyen et ALAT).
Résultats : Le groupe d'étude comprenait 61 patients (23 RCH et 38 MC) et le groupe contrôle 58 (21 RCH et 37 MC) et étaient comparables en termes d'ancienneté, de phénotype et de modalités de traitement. Le taux de rémission complète sans corticoïde et le taux de rémission partielle à 2 mois n'étaient pas significativement différents entre le groupe d'étude (39,3% et 49,2%) et le groupe contrôle (29,3% et 60,3%). Les taux médians respectifs de 6-TGN et de 6-MMP étaient de 253 ± 215 pmol/8.108 GR (zone thérapeutique optimale 230-600 pmol/8.108 GR) et de 1732 ± 2868 pmol/8.108 GR (zone de toxicité > 11450 pmol/8.108 GR). Il n'a pas été retrouvé de corrélation entre les taux de métabolites et la réponse clinique, ni avec les lymphocytes, le VGM et les ALAT. Vingt-cinq (40,9%) patients avaient des 6-TGN en-dessous du seuil théorique d'efficacité de 230 pmol/8.108 GR, dont 23 répondeurs. Seulement 2 malades avaient des taux de 6-MMP dans la zone toxique, sans anomalie de leur bilan hépatique. Vingt-cinq patients (42,6%) du groupe étude et 22 (37,9%) du groupe contrôle ont eu une modification thérapeutique suite à la 2e visite (ns). A 6 mois, la réponse clinique n'était pas statistiquement différente (p=0,11) entre les groupes étude (76,8%) et contrôle (69,8%). Il a été noté une tendance en faveur du groupe étude pour la diminution de la dose des corticoïdes à 2 mois (dose médiane de 0 mg vs 9,5 mg ; p =0,12) et pour le délai d'introduction des anti-TNF (161 ± 61 j vs 312 ± 296 j ; p = 0,09). L'association d'allopurinol à l'azathioprine chez 3 patients du groupe étude a permis d'atteindre un taux optimal de 6-TGN et de diminuer les 6-MMP à un taux non toxique.
Conclusion : Comparé à une prise en charge classique, notre étude ne permet pas de conclure à un bénéfice du dosage systématique des métabolites des thiopurines au cours des maladies inflammatoires de l'intestin, notamment en termes de gain d'efficacité. Elle suggère toutefois que cette stratégie permet de décider des modifications thérapeutiques plus rapidement en cas de réponse incomplète et elle permet également d'optimiser le traitement chez des malades ayant un métabolisme particulier des thiopurines.