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Contexte et objectifs : Les chutes chez les personnes âgées -et a fortiori les chutes répétées- constituent un enjeu majeur de santé publique, tant par leur prévalence, que leur association à une forte morbi-mortalité. Du fait du vieillissement de la population, le nombre annuel de passages aux urgences pour ce motif est en constante augmentation. Dans un contexte de tension hospitalière, il apparaît crucial de mieux cibler la population à risque de chutes répétées afin de limiter la survenue d’évènements défavorables, et en particulier le risque de réadmission. Dans un premier temps, nous avons réalisé une évaluation des pratiques professionnelles, en étudiant la conformité du bilan étiologique de chute réalisé aux urgences par rapport aux recommandations officielles. Dans un second temps, nous avons cherché à mettre en évidence d’éventuels facteurs associés à une réadmission aux urgences pour le même motif, dans l’année suivant la prise en charge initiale.
Méthode : Etude observationnelle monocentrique rétrospective incluant 100 patients de plus de 75 ans admis pour chute aux urgences du CH de Sélestat entre le 01/01/2019 et le 24/07/2019.
Résultats : La population étudiée était très âgée (85.2 ± 5,2 ans), à prédominance féminine (65 %), polypathologique (4.4 ± 2.5 maladies chroniques) et polymédiquée (5.7 ± 3.2 médicaments). Ces patients vivaient souvent seuls (39 %) ou en institution (21 %), et bénéficiaient d’aides professionnelles pour les tâches du quotidien (58 %). En raison des contraintes de temps inhérentes au mode de fonctionnement des urgences, le bilan de chute complet, tel que préconisé par les recommandations HAS, n’était en pratique que peu documenté. Les données manquantes du bilan étiologique concernaient essentiellement le mode de vie, les antécédents de chute ou de fracture, et certains éléments de l’évaluation gériatrique globale difficilement applicables aux urgences. L’avis de l’équipe mobile de gériatrie a été dispensé chez 30 % des patients, et a permis d’améliorer significativement le recueil des facteurs de risque prédisposants et précipitants, ainsi que la mise en œuvre de mesures interventionnelles.
38 % des patients inclus ont été réadmis pour chute au cours de l’année suivante. En analyse univariée, certains facteurs significativement associés à la réadmission (dosage des CPK, réalisation d’un ECG) manquaient de pertinence, tandis que seul un antécédent d’hospitalisation dans les 6 mois précédant ressortait comme significatif dans l’analyse multivariée (OR = 3.98; 95% CI [1.52-11.01]; p = 0.006).
Conclusion : Ce travail a permis de mieux cerner le profil des personnes âgées susceptibles de chuter à nouveau et de faire l’objet d’une réadmission. Il a permis de confirmer qu’une hospitalisation dans les 6 mois précédant le passage aux urgences représentait un facteur pertinent associé à une réadmission pour le même motif. En perspective, nous proposons une fiche d’observation standardisée à destination des professionnels de santé intervenant aux urgences, afin d’améliorer la recherche des facteurs prédisposants et précipitants, et de développer des mesures de prévention secondaire systématiques. Ceci permettrait de gagner en pertinence et anticipation, de mieux orienter ces patients dans la filière gériatrique, et d’éviter les retours intempestifs.