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Introduction – Au cours des violences conjugales, les violences verbales sont souvent les premières à s’installer dans la dynamique de couple et représentent les violences les plus fréquentes. Elles sont insidieuses, parfois minimisées voire banalisées par les victimes. Pourtant, elles sont à l’origine de conséquences majeures à court et long terme.
Objectifs – Analyser les liens entre les violences verbales, notamment la présence d’insultes, les autres types de violences, les processus de déshumanisation, l’existence d’un retentissement sur les victimes et la gravité des faits. Évaluer les pratiques professionnelles concernant le recueil des violences verbales lors de la consultation de victimologie dans les différentes UMJ de France et leur mention dans le rapport médico-légal.
Méthodologie – Nous avons réalisé trois études complémentaires. Les études 1 et 3 sont des études épidémiologiques, monocentriques, rétrospectives, observationnelles et analytiques. La première correspond à l’analyse de 1 345 dossiers de femmes victimes de violences conjugales, reçues en consultation à l’UMJ du CHU de Poitiers, entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2021. La troisième correspond aux résultats préliminaires de la même étude, réalisée du 8 juin au 8 septembre 2023, après modification de la trame d’entretien. L’étude 2 est une étude épidémiologique transversale, observationnelle et descriptive, s’intéressant aux pratiques professionnelles dans les différentes UMJ de France, concernant le recueil des violences verbales, et notamment des insultes, lors de la consultation de victimologie. Il s’agit d’une enquête réalisée au moyen d’un questionnaire en ligne.
Résultats – Ce travail nous a permis d’observer une association significative entre la présence de violences verbales, d’insultes et l’existence d’une atteinte psychologique. L’existence de violences verbales et d’insultes sont associées à la présence de l’ensemble des autres formes de violences investiguées. On observe une tendance non linéaire entre la présence d’insultes déshumanisantes et la gravité des faits. Les agresseurs graves utilisent plus d’insultes déshumanisantes envers leurs victimes que les agresseurs simples et que les agresseurs extrêmes.
En France, dans les UMJ, l’existence de violences verbales est recherchée de façon systématique. Une multitude de paramètres composant ce type de violences est sondée en consultation. Parmi eux, les plus recherchés par les praticiens sont respectivement les insultes, les propos rabaissants et les menaces. Concernant les insultes, trois pratiques se distinguent parmi les médecins légistes : d’une part ceux qui se limitent à une investigation binaire de la présence ou de l’absence d’insultes et d’autre part ceux qui examinent le détail des insultes, qu’ils les mentionnent dans le rapport médico-légal ou non.
Discussion – Les violences verbales et plus largement les violences psychologiques sont, par nature, moins évidentes et plus difficile à reconnaître, ce qui enferme petit à petit les femmes dans un environnement violent. Le développement d’outils de repérage à destination des femmes mais aussi des professionnels de santé de première ligne est un axe de prévention majeur. La détection précoce de ces formes de violence est une nécessité pour permettre aux femmes de s’extraire le plus rapidement possible d’une situation de violences conjugales. La discordance entre l’existence d’une atteinte et la durée de l’ITT établie pose la question de la pertinence de ce critère dans l’évaluation du retentissement, notamment psychologique. Ce contraste est particulièrement visible dans le cas des violences verbales, fortement pourvoyeuses de ces atteintes psychiques.
Conclusion – Ce travail met en avant les facteurs environnants et les conséquences des violences verbales dans le couple. Elles exposent les femmes qui en sont victimes à d’autres types de violences et au développement de symptômes psychologiques. La poursuite d’études de ce type est primordiale pour approfondir les connaissances sur ce sujet encore trop peu développé. L’engagement d’une réflexion commune, en collaboration avec les acteurs de la santé, de la justice et du médico-légal, est un facteur de l’amélioration de la prise en charge globale des victimes.