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Contexte : La relation entre sommeil et travail est étroite, car le premier permet de récupérer de la fatigue engendrée par le second. Un mauvais sommeil altère la vigilance, et les conséquences sur la vie professionnelle et personnelle peuvent être dramatiques. Selon les études, 20 à 40 % des travailleurs se plaignent de leur sommeil, et la prévalence de l'insomnie est plus importante dans cette population que dans la population générale. Qu'en est-il des salariés d'une centrale nucléaire soumis à différentes contraintes organisationnelles ? L'objectif principal était l'évaluation du sommeil chez l'ensemble des salariés, en prenant en compte les facteurs liés au travail, à l'environnement, au mode de vie et à la santé des agents salariés de l'électricité de France (EDF).
Matériels et Méthode : Une étude épidémiologique observationnelle transversale descriptive et analytique a été menée entre janvier et mars 2020, auprès des agents EDF travaillant dans la centrale de Civaux dans la Vienne. Un auto-questionnaire de 84 questions et sous-questions a été diffusé à l'ensemble des salariés, par le biais de leur adresse mail et d'un logiciel interne, garantissant l'anonymat de réponse. Le questionnaire se composait d'une série de questions abordant le travail, les habitudes de vie, les consommations, le sommeil et la santé des salariés. Il était complété par deux questionnaires validés : l'Index de sévérité de l'insomnie et le score d'Epworth.
Résultats : Sur les 931 salariés de Civaux sollicités, 534 avaient répondu (57,4 % de participation). Des troubles du sommeil étaient présents chez 30,2 % des agents EDF. 23,8 % étaient somnolents (score d'Epworth > 10), et 17 % s'étaient déjà endormis ou presque sur le trajet domicile-travail. 40 % des salariés étaient en restriction sévère de sommeil. Ils étaient plus de 60 % à considérer que leur travail avait un impact négatif sur la qualité et la quantité de leur sommeil. Cependant, dans l'étude, les rythmes de travail ne semblaient pas avoir d'impact sur la survenue de troubles, et seule une catégorie d'astreinte augmentait les problématiques de sommeil. L'enquête replaçait également le rôle du médecin du travail dans le diagnostic des troubles du sommeil (près de 35 % des diagnostics à Civaux). L'analyse comparative entre le groupe faisant des astreintes et le reste de la population n'avait pas mis en évidence d'éléments pouvant laisser croire à l'impact négatif des astreintes sur cette population, mais le groupe comparatif comportait des horaires atypiques également.
Conclusion : Ces résultats concordant avec d'autres études menées en milieu de travail, posaient la question des troubles du sommeil chez les salariés soumis ou non aux horaires atypiques et confrontés à des responsabilités importantes liées à la sûreté et à la sécurité. Enrichir les compétences des services de santé au travail, afin qu'ils puissent améliorer la prévention, et dépister de manière adaptée les troubles du sommeil, deviendra probablement indispensable dans un futur proche.