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Introduction : Les troubles mentaux, de par leur coût économique, social et sanitaire sont un enjeu majeur de santé publique. Les médecins généralistes sont les principaux professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de ces pathologies. Leurs compétences en matière diagnostique et thérapeutique peuvent être améliorées. Il existe peu d'études françaises les interrogeant directement sur leurs pratiques.
But de l'étude : Déterminer la perception des médecins généralistes français sur leur prise en charge des troubles mentaux afin de réfléchir et de proposer des pistes d'amélioration de leurs pratiques.
Méthode : Étude transversale descriptive par questionnaires diffusés en ligne via les Conseils Départementaux de l'Ordre des Médecins menée auprès de médecins généralistes thésés, installés et remplaçants, répartis dans 24 départements français.
Résultats : 389 questionnaires complets ont été analysés. La prévalence moyenne des troubles mentaux par semaine était de 11,62%. 66,1% des médecins présentaient un intérêt pour la psychiatrie. 38,6% estimaient très important le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge des troubles mentaux. L'intérêt était lié avec la valorisation du rôle du médecin généraliste (p<10-6), et une meilleure évaluation des compétences (p<10-3). 92,3% des médecins n'avaient pas de formation complémentaire en psychiatrie, et seulement 37% avaient participé à une session de formation relative à la psychiatrie dans les deux années précédentes. L'évaluation des compétences était plutôt positive en matière de diagnostic (3,09/5). Elle était inférieure à la moyenne concernant la psychothérapie (2,12/5). Les médecins utilisaient leur expérience et leurs connaissances théoriques pour établir un diagnostic. Ils se référaient très rarement aux ressources externes. La formation n'influençait pas le recours aux guidelines ou aux grilles diagnostiques, mais améliorait la gestion de la consultation en terme de surcharge de travail. Les médecins étaient confiants dans l'initiation des traitements antidépresseur et anxiolytique, mais étaient en difficulté avec les traitements thymorégulateur et antipsychotique. Il s'évaluaient plus positivement dans la prise en charge de la dépression (3,42/5) et de l'anxiété (3,52/5) que dans celle du trouble bipolaire (1,78/5) et de la schizophrénie (1,23/5). Les consultations pour motif psychiatrique étaient en moyenne 1,7 fois plus longues que celles pour motif somatique. 41,4% des médecins adressaient plus difficilement leurs patients aux psychiatres qu'aux autres spécialistes. Les motifs les plus fréquents étaient la situation d'urgence et la nécessité d'un traitement spécialisé. Les attentes étaient une organisation de la prise en charge future et une recommandation de traitement. Les médecins notaient défavorablement leur relation avec le monde de la psychiatrie (2,06/5) et la difficulté d'accès aux soins spécialisés était l'obstacle le plus fréquemment rencontré lors la prise en charge. 75,6% des médecins souhaitaient améliorer leurs compétences et se tournaient principalement vers la formation médicale continue pour le faire.
Conclusion : Le médecin généraliste joue un rôle central dans la prise en charge des troubles mentaux. Le manque d'intérêt et de formation d'une part, et la difficulté de collaboration avec les structures spécialisées d'autre part sont deux obstacles majeurs à une prise en charge de qualité. La recherche en santé mentale intégrée aux soins primaires doit être développée pour déterminer des pistes d'action et améliorer la qualité des soins délivrés aux patients.