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Introduction : Le nombre de patients dépendants continue de croître avec des difficultés de maintien à domicile. En 2015, 500 000 patients vivent en EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) avec un âge moyen de 84 ans. Parallèlement, le nombre de patients vivant avec un cancer croît chaque année. En 2012, près de 115 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chez les sujets âgés de 75 ans et plus. Jusqu'à aujourd'hui, peu d'études se sont intéressées à la population institutionnalisée atteinte de cancer.
Objectifs : Les objectifs étaient de calculer la prévalence du cancer chez les résidents d'EHPAD âgés de 75 ans et plus ayant développé la maladie à partir de 75 ans et de définir les facteurs influençant la prise en charge de cette population fragilisée.
Méthode : Etude observationnelle, descriptive, multicentrique, rétrospective réalisée auprès de 45 EHPAD conventionnés avec le CHU de Poitiers de janvier à avril 2015. Tous les patients ayant développé un cancer ou une récidive de cancer à partir de 75 ans ont été inclus, quels que soient la localisation, la situation de traitement, le suivi. Les données gériatriques étaient recueillies dans le dossier médical de l'EHPAD. Les données oncologiques étaient complétées à partir du dossier informatisé du CHU de Poitiers et du Dossier Communicant de Cancérologie.
Résultats : 214 résidents ont été inclus (63 % femmes - moyenne d'âge 90 ans), en majorité polypathologique (57% avaient au moins 3 comorbidités), dépendante (94% de GIR≤4), avec des troubles cognitifs (42%). La prévalence du cancer était de 8,4% [7,7%-9.1%] avec les localisations cutanées, digestives et mammaires qui étaient les plus fréquentes; 37% ont été diagnostiqués après l'institutionnalisation; 83% des résidents ont reçu un traitement. La chirurgie était réalisée pour 55% des patients traités. Parmi les variables étudiées, seul l'âge au diagnostic était associé de manière significative à une moindre réalisation d'un bilan d'extension (OR=0,904 IC95% *0,847-0,965]) et d'un traitement (OR 0,918 IC95% [0,855-0,986+). Le fait d'être institutionnalisé et le nombre de comorbidités n'influençaient pas la prise en charge. La réalisation du suivi était associée à l'âge actuel du patient (OR=0,899 IC95% [0,810-0,998]), ainsi que le délai de fin de traitement (OR=0,365 IC95% [0,218-0,610]). L'autonomie, la présence de troubles cognitifs et de localisations secondaires n'influençaient pas le suivi.
Conclusion : Notre étude, une des premières en France, retrouve une faible prévalence du cancer en EHPAD, nous laissant évoquer un sous-diagnostic dans cette population fragilisée. Le poids de l'âge chronologique semble encore ancré dans la pratique du médecin, puisqu'il influence les décisions d'explorations complémentaires, le traitement oncologique et le suivi. Une sensibilisation des personnels soignants et médicaux dans les EHPAD à l'oncogériatrie et à l'intérêt d'une évaluation gériatrique semble nécessaire pour améliorer la prise en charge de ces patients.