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Introduction : Le diagnostic des maladies mentales et le souci nosographique qui l'accompagne font l'objet d'un intérêt renouvelé depuis l'Antiquité. Le modèle qui fait correspondre à un ensemble symptomatique un diagnostic et un traitement, propre à l'Evidence Based medecine, s'applique imparfaitement à la psychiatrie. Or, établir un diagnostic semble indispensable à la pratique clinique. Cela nous a conduit à nous interroger, d'une part, sur l'intérêt du diagnostic et de la classification des maladies mentales, et d'autre part, sur la nature des limites de ceux-ci. A cette fin, nous avons choisi de réaliser une revue de la littérature. Dans le domaine de la santé mentale, le DSM fait aujourd'hui autorité. C'est donc plus précisément à sa nosographie que nous nous sommes intéressée.
Méthode : Notre étude a porté sur des articles scientifiques, des ouvrages et des transcriptions d'allocution, dans lesquels nous avons cherché à recenser les enjeux, apports et limites de la classification en général, et du DSM en particulier à travers ses éditions successives.
Résultats : La classification des maladies mentales est nécessaire. A travers le diagnostic, elle contribue au soin, favorise les échanges entre les soignants, sous-tend la recherche et rend également possible l'enseignement de la clinique. Cependant, elle comporte des limites, en particulier un réductionnisme, une faible validité et un manque de fiabilité, ainsi que le problème insoluble de la frontière entre le normal et le pathologique. L'attribution d'un diagnostic présente quant à elle des conséquences pour le patient, et notamment le risque de stigmatisation, d'auto-réalisation et de pérennisation du trouble. Toute nosographie entretient par ailleurs des liens étroits avec l'époque dans laquelle elle s'inscrit, et notamment avec les conceptions sociales et culturelles propres à cette dernière, qui l'influencent et qu'elle influence en retour. Les enjeux et les apports du DSM sont superposables à ceux de toute classification des maladies mentales. Compte tenu de l'envergure internationale et du caractère de référence du manuel, ce sont ses limites que nous nous sommes proposé de discuter. Ces dernières résident principalement en une faible fiabilité, un manque de validité, un réductionnisme et la désubjectivation qui l'accompagne, enfin, dans ses conflits d'intérêts.
Discussion et conclusion : Du fait des limites et de l'imprégnation culturelle du DSM, il apparaît fondamental que le manuel soit employé comme un support et non comme un guide – littéralement –, en ce sens qu'il ne doit pas empêcher de saisir la subtilité clinique et la complexité à l'oeuvre chez le patient, autrement dit, la singularité et la subjectivité de celui-ci. Il est donc indispensable, à notre avis, que le psychiatre intègre à sa pratique des influences théoriques complémentaires. L'approche phénoménologique nous paraît à cette fin offrir un point de vue pertinent et un abord avantageux. En guise de modèle pour des nosographies futures, la classification intuitionniste de Jacques Schotte apporte quant à elle des perspectives intéressantes.