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Introduction : La forte prévalence de la polypathologie, polymédication et perte d'autonomie en établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) rend cette po-pulation à haut risque d'iatrogénie médicamenteuse. L'adaptation posologique des prescrip-tions à la fonction rénale est, avec le choix de molécules appropriées au contexte géria-trique, l'une des principales réponses face à ce risque. Notre objectif était de déterminer si elle était correctement mise en œuvre en EHPAD.
Matériels et méthode : Notre étude épidémiologique transversale descriptive a été réalisée sur les données anonymisées de trois EHPAD du nord des Deux-Sèvres. Ont été inclus les résidents d'indice de masse corporel (IMC) compris entre 18,5 et 25 dont au moins une créatininémie était connue et dont la fonction rénale était inférieure à 90 ml/min, selon Cockcroft & Gault (CG) ou selon l'équation de la Chronic Kidney Disease – Epidemiology collaboration (CKD-EPI) désindexée de la surface corporelle. Les médicaments dont l'action était principalement topique n'ont pas été retenus dans l'analyse. Deux référentiels ont été utilisés pour juger de l'adaptation posologique des prescriptions : le résumé des caractéris-tiques du produit (RCP) du Vidal® et la base de données française du Groupement Pour le Rein (GPR), proposant des recommandations pour CG et CKD-EPI respectivement.
Résultats : Sur un total de 319 résidents, 109 et 105 patients ont été inclus respectivement dans l'analyse « Vidal® – CG » et « GPR – CKD-EPI ». Dans l'analyse « Vidal® – CG », l'âge moyen était de 88,8 ± 8,1 ans, 72,5 % étaient de sexe féminin et 66,7 % avait une dé-pendance partielle à totale (GIR 3 ou moins). Plus des trois quarts avaient une insuffisance rénale (< 60 ml/min) et la polymédication au seuil de 5 médicaments ou plus était présente pour 86,2 %. Les analyses ont concerné 849 prescriptions : 49,4 % ne nécessitaient pas d'adaptation et 38,3 % n'étaient pas évaluables. Sur les 105 prescriptions restantes appré-ciables, 39 % étaient conformes et 61,0 % étaient non-conformes, non recommandées ou contre-indiquées. Ces résultats différaient nettement dans l'analyse « GPR – CKD-EPI » : sur 85 prescriptions appréciables, 90,6 % étaient conformes et 9,4 % ne l'était pas.
Conclusion : Notre étude confirme le caractère fréquent de la polymédication et l'insuffisance rénale dans les EHPAD étudiées, incitant à la plus grande vigilance dans l'adaptation posologique. L'évaluation de cette adaptation reste problématique en l'absence d'un couple « estimateur de la fonction rénale – référentiel d'adaptation posologique » con-sensuel et les difficultés pratiques d'une analyse holistique et contextualisée des prescrip-tions.