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Introduction : L'addiction au jeu vidéo est un objet d'étude au cœur de l'actualité scientifique depuis une quinzaine d'années. Introduit dans l'appendice du DSM-5 en 2013 et officialisé au sein de la CIM-11 en cette année 2019, le sujet ne fait pourtant pas encore consensus. L'approche unitaire et globale de l'addictologie le place actuellement au sein des addictions comportementales, dont les similitudes avec les addictions aux substances psychoactives sont nombreuses. De nombreuses études ont pu établir un lien entre ces dernières et l'évaluation d'un attachement insécure chez les individus concernés (Unterrainer, Hiebler-Ragger, Rogen, & Kapfhammer, 2018). Une seule étude a utilisé une approche implicite pour mesurer l'attachement dans les addictions, et concerne les drogues psychoactives (Serra et al., 2019). L'objectif principal de cette étude est donc d'évaluer le lien entre le type d'attachement implicite et l'existence d'un trouble lié au jeu vidéo au sein d'une population étudiante.
Méthode : Une étude observationnelle monocentrique a été mené auprès des étudiants âgés de plus de 18 ans de l'université de Poitiers. Ceux-ci ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne, en partenariat avec la direction de l'université. La présence d'une dépendance au jeu vidéo a été évalué à l'aide de l'échelle Internet Disorder Scale (IGDS) dans sa forme abrégée (Pontes & Griffiths, 2016) dont nous avons proposé une traduction française. La qualité de l'attachement implicite a été évaluée à l'aide du Test d'Association Implicite Attachement (A. G. Greenwald, McGhee, & Schwartz, 1998). Le critère de jugement principal est la corrélation entre les scores obtenus à ces deux tests. Des données démographiques, cliniques, et de profil de joueur ont également été explorées afin de répondre à nos objectifs secondaires.
Résultats : Au total, 1568 étudiants de l'université de Poitiers ont répondu au questionnaire en ligne, soit un taux de réponse de 5,4%, avec 841 questionnaires complets. La moyenne d'âge était de 21,9 ans, avec 55,7% de femmes et 44,3% d'hommes. 1104 étudiants se sont déclarés joueurs, et 94 étaient positifs à l'échelle IGDS, soit 7,4% de la population totale. Les résultats de notre étude montrent une corrélation significative (p=0,018) entre un score positif à l'IGDS et un attachement implicite plus sécure évalué par le TAIA. Cette corrélation reste significative (p=0,014) en tenant compte du genre et des symptômes dépressifs. L'étude ne retrouve pas de corrélation entre le score à l'IGDS et la consommation et abus des drogues psychoactives ; tandis que ces dernières présentent une tendance vers un attachement moins sécure.
Conclusion : Cette étude est à notre connaissance la première à évaluer le lien entre l'attachement implicite et la dépendance au jeu vidéo, il n'existe donc pas de résultats contradictoires. De telles conclusions devront évidemment être confirmées par d'autres études plus puissantes. Si cela s'avérait être le cas, bien qu'il existe aujourd'hui une approche unitaire et globale de l'addictologie, il semblerait alors légitime de questionner le fait que la pratique intensive de jeu vidéo soit une addiction comme les autres.