Thèse d'exercice
Existe-t-il un biais cognitif associant « enfant » et « sexualité » chez les auteurs d'infraction à caractère sexuel sur des mineurs de moins de 12 ans ?
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Introduction : Des recherches précédentes suggèrent que les pédophiles, comparativement aux violeurs de victimes pubères ou aux personnes sans antécédent de violence sexuelle, présentent un biais implicite consistant à associer automatiquement les enfants, plutôt que les adultes, à la sexualité (e.g., Gray et al., 2005). La plupart des études menées dans ce domaine ont utilisé un test d'association implicite amenant les chercheurs à le proposer pour permettre de discriminer les personnes ayant une attirance sexuelle pour les enfants. L'objectif de cette étude était de répliquer ces effets en utilisant le test IAT adapté en français.
Matériel et méthode : Il s'agit d'une étude monocentrique pour laquelle des participants ont été classés en 3 groupes. Le premier groupe est constitué d'auteurs de violences sexuelles sur mineur de moins de 12 ans condamnés (groupe cible). Le deuxième groupe est constitué d'auteurs de violences sexuelles sur personne de plus de 15 ans condamnés (groupe contrôle actif). Ces participants ont été recrutés sur 2 sites : au CP de Vivonne et au CMP Espace Vienne de Poitiers. Le troisième groupe est issu de la population générale et ne présente aucun antécédent judiciaire (groupe contrôle passif). Il a été recruté via la base de données en ligne Prolific.
L'objectif principal est de déceler la présence d'une association implicite entre « enfant » et « sexualité » permettant de discriminer le groupe cible des deux autres groupes et d'en mesurer l'intensité. Les sujets des groupes cible et contrôle actif ont participé à deux entretiens : le premier pour recueillir les données sociodémographiques et criminologiques et le second pour passation du test IAT, d'une tâche de reconnaissance faciale des émotions et de plusieurs échelles actuarielles. Le test utilisé est celui employé par Brown et al., 2009 et a été traduit afin de rechercher la présence d'une association implicite entre « enfant » et « sexualité ».
Résultats : Au total, 81 participants ont été inclus dans l'étude. 20 font partie du groupe cible, 18 font partie du groupe contrôle actif et 43 font partie du groupe contrôle passif. La moyenne d'âge était de 47.9 ans pour le groupe cible, de 38.3 ans pour le groupe contrôle actif et de 40.4 ans pour le groupe contrôle passif. Contrairement à nos hypothèses, les résultats ne montrent aucune différence entre les trois groupes de participants. En accord avec la littérature, le groupe contrôle actif a significativement tendance à associer de manière préférentielle la sexualité aux images des adultes plutôt qu'aux images des enfants. Toutefois, le groupe cible n'a pas tendance à associer préférentiellement la sexualité aux images d'enfants plutôt qu'aux images d'adultes. Plus surprenant encore, le groupe contrôle passif n'a pas tendance à associer de manière préférentielle la sexualité aux images des adultes plutôt qu'aux images des enfants.
Discussion : Nos hypothèses ne sont pas vérifiées. Ces résultats doivent être interprétés en gardant à l'esprit que la taille modeste de l'échantillon, surtout en ce qui concerne les groupes cible et contrôle actif, ne permet pas de conclure de manière définitive à une absence de différence. En dépit de nos résultats, les données récoltées permettent de dresser un profil de l'AVS sur mineurs. Il serait intéressant de reprendre les analyses de biais cognitif en comparant des groupes selon des critères plus précis. On pourrait suggérer le fait d'avoir été victime d'abus dans l'enfance, ce qui nous semble primordial, ou encore l'analyse du contenu des images mentales pendant l'acte visant à déshumaniser la victime pour s'affranchir de l'interdit, qu'il soit incestuel ou non. La présence de biais cognitifs objectivés par les études antérieures amène à envisager l'élaboration ou l'adaptation d'outils de psychothérapie pour la population d'AVS sur mineurs. Bien que cette question relève d'un problème de santé publique, les soins proposés restent limités et méritent un investissement plus important en termes de recherche et de moyens.
Mots-clés libres : Pédophilie, AVS, IAT, biais cognitifs.
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