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Introduction : Les atteintes rénales sont fréquentes et variées au cours des gammapathies monoclonales, et résultent du dépôt glomérulaire ou de la précipitation tubulaire de l'immunoglobuline monoclonale (IgMo). Parmi elles, les glomérulonéphrites (GN) secondaires aux cryoglobulines de type I demeurent mal connues.
Méthodes : Nous rapportons les caractéristiques cliniques, biologiques, histologiques et pronostiques de 23 patients présentant une atteinte rénale histologiquement prouvée, secondaire à une cryoglobuline monoclonale.
Résultats : 17 hommes, 6 femmes, d'âge médian 61,8ans, présentaient initialement : syndrome néphritique aigu (78%) sinon néphrotique, hématurie constante, protéinurie abondante (médiane=3g/24h), insuffisance rénale aigue (créatinine médiane = 205 μmol/L), requérant parfois une suppléance extra-rénale d'emblée (26%), hypertension artérielle (91%) souvent sévère. Treize patients (56%) présentaient des signes extra-rénaux, principalement cutanés (48%) ou articulaires (26%). La cryoglobulinémie monoclonale était surtout d'isotype IgG (79%), notamment IgG1, kappa (70%), majoritairement de faible abondance, parfois indétectable (30%). L'hémopathie causale (13 gammapathies monoclonales de signification rénale, 1 myélome multiple, 3 leucémies lymphoïdes chroniques, 5 lymphomes malins non Hodgkinien B, 1 macroglobulinémie de Waldenström) était le plus souvent découverte lors de l'atteinte rénale. L'histologie rénale retrouvait essentiellement une GNMP (63%), ou une GN endocapillaire diffuse (17%). Les lésions de vascularite rénale étaient courantes (56%), de même que des dépôts de C3 (65%). L'organisation ultra-structurale était microtubulaire (74%), voire cristalline (crystalcryoglobulinémie, n=6). Tous les patients ont été traités avec des chimiothérapies à base d'alkylants, de rituximab, de bortezomib et/ou de lénalidomide, 7 ont bénéficié d'échanges plasmatiques. Au terme d'un suivi médian de 46 mois, 11 patients étaient hémodialysés chroniques, 9 présentaient un eDFG "supérieur ou égal" 45ml/min/1.73m², et 7 sont décédés.
Conclusion : Les GN des cryoglobulines de type I sont bruyantes, et surviennent de manière volontiers isolée. L'isotype IgG, notamment IgG1, kappa, semble particulièrement impliqué, en lien avec des caractéristiques néphritogènes qui restent à préciser. S'associant à des hémopathies de faible masse, les GN cryoglobulinémiques se distinguent par des lésions fréquentes de vascularite, et une organisation ultrastructurale microtubulaire voire cristalline, posant le diagnostic même en l'absence de cryoglobulinémie détectable. Le traitement vise une réponse hématologique rapide par des chimiothérapies qui doivent cibler la nature plasmocytaire ou non du clone B sécrétant, l'atteinte rénale altérant le pronostic vital.