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OBJECTIF : L'arrivée de la pratique mini-invasive de l'endovasculaire a marqué un tournant dans la prise en charge des anévrismes aortiques (AA), dont le seul traitement était jusqu'alors la mise à plat – greffe en chirurgie conventionnelle à ciel ouvert. L'objectif de notre étude était d'évaluer l'impact de l'endovasculaire sur la mortalité des AA après chirurgie conventionnelle dans notre Centre.
MATERIEL ET METHODES : Notre étude rétrospective, mono-centrique, a analysé les données de 620 patients opérés d'AA (ATA, AAA para- et juxta-rénaux) au CHU de Poitiers en comparant 2 périodes : 420 patients traités en chirurgie conventionnelle avant l'arrivée de l'endovasculaire entre 1993 et 2011, 150 patients traités en chirurgie conventionnelle après l'arrivée de l'endovasculaire entre 2012 et 2019. Le critère de jugement principal était la mortalité globale et à la mortalité liée à l'anévrisme. Le critère de jugement secondaire était le décès précoce dans les 30 jours post-opératoires ajusté sur le terrain du patient, la pratique chirurgicale et les complications post-opératoires précoces.
RESULTATS : Dans le groupe de patients traités avant l'arrivée de l'endovasculaire, la durée de suivi moyen était de 58 mois, le décès précoce est survenu dans 3,4% des cas, la survie globale et liée à l'anévrisme était respectivement à 6 mois de 93% et 96%, à 12 mois de 90% et 96%, à 24mois de 84% et 95%. Dans le groupe de patients traités après l'arrivée de l'endovasculaire, le décès précoce est survenu dans 10% des cas, la durée de suivi moyen était de 22 mois, la survie globale et liée à l'anévrisme était respectivement à 6 mois de 76% et 83%, à 12 mois de 70% et 78%, à 24 mois de 60% et 72%. Ainsi, il a été montré une dégradation significative de la survie pour les sujets traités en chirurgie conventionnelle après 2012, avec un plus grand nombre de décès précoce à J30 (OR=3,12 [1,46 ; 6,70] p=0,003), des survies globales plus faibles à M6 (OR=0,23 [0,12 ; 0,41] p<0,001), M12 (OR=0,26 [0,15 ; 0,45] p<0,001), M24 (OR=0,28 [0,16 ; 0,47] p<0,001) et des survies liées à l'anévrismes plus faibles à M6 (OR=0,20 [0,09 ; 0,41] p<0,001), M12 (OR=0,16 [0,07 ; 0,33] p<0,001), et M24 (OR=0,12 [0,06 ; 0,26] p<0,001).
Cette dégradation s'explique par une plus grande fragilité du terrain de patients traités en chirurgie conventionnelle après 2012 puisqu'ils présentaient plus de comorbidités cardio-vasculaires telles que le surpoids (OR=1,11 [1,05 ; 1,18] p<0,001), l'hypertension (OR=1,86 [1,22 ; 2,90] p=0,005), l'hypercholestérolémie (OR=2,38 [1,63 ; 3,50] p<0,001), et un tabagisme actif (OR=1,63 [1,04 ; 2,57] p=0,032), et plus de coronaropathie (OR=1,75 [1,19 ; 2,57] p=0,004) que les patients traités avant 2011. Par ailleurs, à partir de 2012, il y a eu une complexification des AA traités en chirurgie conventionnelle puisqu'une moindre fréquence des AAA sous-rénaux a été traitée au profit de localisations juxta-rénales (OR=3,36 [1,71 ; 6,52] p<0,001), para-rénales (OR=7,84 [2,97 ; 22,9] p<0,001) et ATA 4 (OR=2,74 [0,98 ; 7,30]).
En appliquant l'ajustement du modèle multivarié, on constate qu'à terrain préopératoire, pratique chirurgicale et complications post opératoires égaux, la mortalité précoce à J30 a énormément diminué de façon significative puisque l'OR ajusté est très inférieur à 1 (OR=0,01 [0,00 ; 0,10], p<0,001).
CONCLUSION : Progressivement l'endovasculaire est devenue la pratique thérapeutique priorisée dans la prise en charge des AA simples tandis que la chirurgie conventionnelle demeure le traitement de première intention des AA complexes. Bien que les résultats de la mortalité en chirurgie conventionnelle paraissent moins bons en chiffre absolu, ils restent tout à fait satisfaisants en tenant compte de l'aggravation de l'étendue anatomique des anévrismes aortiques ainsi que de l'augmentation des co-morbidités initiales, et ils encouragent à la poursuite de cette pratique au sein de notre Centre.