Voir le résumé
Problématique : La profession de policier est un des métiers les plus exposés au stress, avec des interventions régulièrement marquées par la violence, la misère, la détresse et, parfois, la mort. La répétition de ces incidents critiques ne génère pas d'immunisation vis-à-vis des résonances émotionnelles qu'ils provoquent et de plus en plus d'études viennent mettre en évidence la relation positive entre le développement de réactions de stress post-traumatiques et une exposition répétée à des incidents critiques. Peu d'études existent sur les policiers français malgré un mal-être de la profession de plus en plus prégnant. Notre recherche s'intéresse ainsi à l'impact d'une exposition répétée et cumulative à des incidents critiques chez des policiers français.
Méthodes : Nous avons réalisé une étude transversale observationnelle au sein d'un échantillon de policiers français du département de la Vienne (n=100) dont le recrutement a été réalisé entre le 8 juillet et le 1er septembre 2019. Elle avait pour but l'évaluation de la prévalence des symptômes de stress post-traumatique à l'aide de la PCL-5 ainsi que celle de l'exposition à des incidents critiques, et leur niveau de gravité perçue, grâce à la CIHQ. Nous avons également tenté d'évaluer les résistances opérantes chez les policiers à l'égard du soutien psychologique, la consommation de soins au cours des 12 derniers mois et la position des policiers vis-à-vis des actions de prévention quant à cette problématique du stress et du psychotraumatisme.
Résultats : Nos résultats confirment notre hypothèse principale, soit l'existence d'une corrélation positive entre l'intensité d'exposition à des incidents critiques et l'intensité des symptômes de trouble de stress post traumatique (TSPT). Autrement dit, une élévation de la fréquence d'exposition à des incidents critiques constituerait un facteur de risque de TSPT chez les policiers dans l'exercice quotidien de leurs fonctions. La CIHQ est apparue comme un outil intéressant dans la prédiction d'une émergence de symptômes de stress post traumatiques suite à une exposition répétée et cumulative à des incidents critiques. Notre étude a révélé une prévalence du TSPT à 10% au sein de notre échantillon. Malgré un faible usage des soins de manière globale, la présence d'un TSPT augmentait significativement la probabilité de recourir aux services de santé mentale (soins psychologiques ou médicamenteux). A l'inverse, la présence de réticences, telles que le sentiment de honte et de faiblesse, freinaient de façon significative l'accès aux soins. Les résultats ont également permis de révéler le sentiment des policiers d'être insuffisamment formés au psychotraumatisme (81%) et une majorité d'entre eux (73%) se sont montrés intéressés par la mise en place d'actions de sensibilisation et de prévention sur cette thématique ainsi que sur le stress. Par ailleurs, une grande partie des policiers (76%) ont exprimé leur intérêt pour la mise en place d'outils de régulation ou d'autorégulation du stress.
Conclusion : Malgré le fait qu'une exposition répétée et cumulative à des incidents critiques soit apparue comme un facteur de risque de développer des symptômes de TSPT, l'institution policière ne pourra malheureusement pas soustraire ses hommes à la violence du monde et aux multiples situations critiques inhérentes à la profession. Toutefois, la mise en place d'actions de prévention (telles que la formation, le soutien par les pairs, la restauration d'un esprit de corps, une meilleure gestion organisationnelle, etc...), permettant de réduire les facteurs de risque et de développer des facteurs protecteurs, apparaît essentielle pour protéger au mieux nos forces de l'ordre. Une réelle demande de prévention existe même si elle apparaît peu verbalisée dans le discours spontané des policiers. La taille de notre échantillon ne permet pas une généralisation de nos résultats mais ces derniers invitent à s'interroger sur l'état actuel de nos moyens de prévention. L'objectif est de proposer des pistes pour les améliorer et d'encourager des recherches futures à se pencher sur les spécificités du traumatisme policier afin de mieux le prévenir, le déceler et le prendre en charge.