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Introduction : L'incidence des métastases cérébrales (MC) dans le cancer du sein est en augmentation, avec environ 15-30 % des patients de stade avancé qui en développent. Leur apparition reste un évènement grevant le pronostic fonctionnel et vital des patients, avec une survie globale (SG) après le diagnostic d'environ 7 mois, encore plus sévère en cas de leptoméningite carcinomateuse (LM). Les facteurs influençant la survie des patients atteints de MC sont toujours débattus, notamment ceux associés à la survie sans progression cérébrale (SSPC).
Objectifs : Les objectifs principaux de notre étude étaient : la description des modalités de prise en charge des MC de cancer du sein et l'analyse des facteurs pronostiques associés à la SSPC. Nos objectifs secondaires étaient : les analyses de SG et SSPC dans notre population, ainsi que l'analyse des facteurs pronostiques associés à la SG et la description de la population spécifique de patientes opérées pour MC.
Méthodes : Dans cette étude monocentrique et rétrospective, nous avons inclus une cohorte de patientes suivies pour un cancer du sein au CHU de Poitiers, avec un diagnostic d'atteinte cérébrale secondaire (MC intra-axiales et LM) posé entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2019. Les analyses de survie ont été modélisées avec la méthode de Kaplan-Meier et le modèle de Cox.
Résultats : Parmi les 261 patientes de l'étude, une chirurgie cérébrale a été effectuée chez 27 (10,3 %) patientes, 77,0 % des patientes ont reçu une RT cérébrale : (in toto pour 76,1 %). Des symptômes neurologiques étaient présents au diagnostic dans 74,7 % des cas. Une LM a été retrouvée au cours du suivi dans 42,9 % des cas. Le suivi médian à partir du diagnostic de l'atteinte cérébrale secondaire était de 50,7 mois (IC 95% 45,4 – NA). Les médianes de SSPC et de SG étaient respectivement de 5,95 mois (IC 95 % 4,84 – 7,04) et de 7,99 mois (IC 95 % 5,66 – 10,6). En analyse multivariée, les facteurs pronostiques péjoratifs associés à la SSPC comprenaient les tumeurs primitives triple-négatives (HR = 2,70 ; IC 95 % 1,77 – 4,11 ; p < 0,0001), un traitement systémique préalable aux MC (HR = 1,19 ; IC 95 % 1,11 – 1,27 ; p < 0,0001), un âge > 70 ans au diagnostic des MC (HR = 1,81 ; IC 95 % 1,17 – 2,81 ; p < 0,01), un nombre de MC > 3 (HR = 1,76 ; IC 95 % 1,15 – 2,69 ; p < 0,01) et un nombre de sites métastatiques ≥ 3 (HR = 1,51 ; IC 95 % 1,03 – 2,21 ; p = 0,04). Les facteurs associés à une SSPC plus longue étaient : le contrôle de la maladie extra-cérébrale (HR = 0,45 ; IC 95 % 0,31 – 0,67 ; p < 0,0001) et un état général conservé PS 0-1 (HR = 0,59 ; IC 95 % 0,42 – 0,82 ; p < 0,01).
Conclusion : Notre étude permet la description détaillée et récente des caractéristiques et de la prise en charge en « vie réelle » d'une cohorte de patientes avec atteinte cérébrale d'un cancer du sein. L'analyse des facteurs pronostiques corrélés à SSPC est peu décrite dans la littérature et pourrait permettre d'adapter au mieux la stratégie thérapeutique à la situation carcinologique. Les données d'essais prospectifs en cours seront essentielles afin d'évaluer l'intérêt d'un dépistage précoce des MC asymptomatiques. La SG de ces patients reste sombre, très corrélée avec la rechute cérébrale. Il est ainsi nécessaire de les intégrer plus largement dans les essais thérapeutiques.